"Aigritude"

Publié le par Duprat Ombeline

On est aigrie ou on l'est pas.

En tant que membre officielle du club des aigris Girondins, j'ai l'honneur de vous proposer aujourd'hui, le dernier mini volet des "Un an d'aigritude", traçant à la gouge à l'encre noire, le portrait pas très délicat d'une salle d'attente chez le vétérinaire...

En attendant, le carnet aigri des lovers de boite de nuit... Cabinet de Curiosité sociologique, quand tu nous tiens...



Le vétérinaire : histoire d’un tribunal de l’inquisition.

 

Maux et souffrances sont le pain quotidien des élucubrations faites dans les cabinets d’attentes vétérinaires. On ne se le figure sans doute pas assez, mais entre ces quatre murs blancs décorés par le tableau des âges canins, du dernier produit anti-tique et du vaccin anti VIH du chat, se joue le théâtre de la plus belle comédie des peines humaines.

Ce mardi 5 mars, j’emmenais mon lapin polonais « Hopfen » , houblon en allemand, suite à un problème d’inflammation oculaire. C’est simple, mon animal, pourtant si beau, les yeux ourlés de noir sur fond de robe blanche comme neige, se trouvait affublé d’un œil sortant de son orbite. Le lapin ressemblait davantage à un sous-marin russe ayant été torpillé plutôt qu’à un lagomorphe. Mais avant de décrire l’adorable camaïeux pu de mon cher Hopfen, attachons-nous à décrire l’ambiance particulière de l’effroyable salle d’attente.

La première entreprise périlleuse consiste à trouver une chaise. Anecdote anodine mais qui pourtant peut s’avérer extrêmement complexe.

_Premier problème critique : le manque de place. Il ne vous reste qu’une solution : rester debout, portant la cage de l’animal en hauteur pour éviter qu’il ne soit reniflé par les autres bestiaux. Il est vivement déconseillé de ne pas s’asseoir pour éviter de se retrouver avec le psoriasis.

_Une fois la chaise de libre, vérifier que dessous ne se trouve pas un immonde petit caniche pouilleux, tenté de vous filer la gale de ses dents pourries.

_ Epousseter le siège en cas de poils divers, animaux et humains.

_Ne pas omettre de regarder si un long filet de bave ne traîne pas sur l’assise de la chaise.

Une fois assis, tout devient un peu plus critique. On peut compter différentes sortes de populace venant chez le vétérinaire. Le plus souvent, il s’agit d’un public pauvre ou tout du moins campagnard. On peut se demander parfois si le propriétaire vient faire soigner son meilleur ami ou lui-même tant il demeure dépravé et tout aussi dégarni que son animal. (à developper)

On peut trouver également de jeunes enfants, emmenant leur cochon d’inde ou chaton pour la première fois. La mère veille la progéniture, debout, observant les moindres faits et gestes des chiens galeux et claudicants, prête à lui fondre dessus au moindre mouvement suspect.

NB : La maman inquiète se mue très souvent en gypaète barbu.

La pouffiasse défraîchie : On la reconnaît très facilement à ses cheveux décolorés, à son décolleté marron d’avoir trop forcée sur les U.V. La peau du cou flasque, les lèvres roses genre papier peint de chez mémé. Elle est toujours bien habillée pour emmener « Vodka » ou « Whisky » chez le véto. Elle tire son chihuahua au bout d’une laisse design ou promène son rottweiler campée sur des hauts talons… Le public en attente, observe médusé cette diablesse tombée dans un flacon de parfum. Elle s’assoit gauchement, manque de se tordre le pied, ordonne tant bien que mal à son gros canin de se coucher à ses pieds –mais assez loin quand même- et rajuste sa perruque en esquissant une moue de dégoût après avoir observé la masse des gens.

Après cette intrusion, chacun retourne à ses contemplations mornes et silencieuses. Certains attrapent un magasine jaunie, racornie, vieux de plus de trois ans, les autres croisent les bras et regardent les animaux présents dans la pièce.

C’est à ce moment là, crucial où l’atmosphère retombe, où les chiens commencent à s’exciter, que la comédie des papouilles peut alors commencer. Le grand cirque des âmes pathétiques se met alors en branle. Le congrès annuel des bègues se réunit tout spécialement pour vous !

__Rho mon pauv’ chienchien, t’as mal à la papate ?

Le maître prend l’animal sur ses genoux et se fait lécher le gras du cou en riant d’une voix gutturale d’un genre « huhuhu ». Tout le monde pose alors son regard sur l’émouvant spectacle, observant le membre blessé du cocker.

Une petite vieille sèche comme un coup de trique se penche un peu en avant et aborde le bègue imbécile.

__Et alors, qu’est-ce qu’il lui est arrivé à ce petit là ?

__Oh ben, l’est vieux ! L’est tombé dans l’escalier donc là, on revient voir le toubib pour voir si sa papate est réparée. Répond-il en continuant de dodeliner du cou.

__C’est comme ma Bessy, elle a quinze ans, vous vous rendez compte ! Ah c’était une brave bête une brave fifille, hein ma Bessy ?

La mamie passe sa main fripée sous le cou flasque de la chienne qui la regarde de ses grands yeux humides. Tout le monde a comprit que dans quelques minutes, la pauvre Bessy ne sera plus. La vieille sort un mouchoir à carreau de son tablier et essuie la morve qui lui pend au nez. Fashionpouffe ne parvient pas à réprimer une effroyable répugnance en voyant mémé renifler alors que l’assemblée des bras cassés s’apprête à verser sa larme. Nom de dieu !

 

                                              ***

 

Outre l’aspect particulièrement redondant de l’affaire, oublier le congrès de bègues et ce lieu devient le sacro-saint temples de tout les aigris de France et de Navarre.

Acariâtres, frustrées et frustrés, misanthropes, zoophiles, toute la panoplie humaine d’aigris se retrouve pour parler des problèmes de médor.

C’est trop horrible ! Un tribunal d’inquisition avec des Torquemada à la gueule dégingandée par le temps, les ennuis, l’alcool et la bave des chiens.

Ils ont la gale, le psoriasis, des maladies diverses et variées que les braves animaux entretiennent en se frottant l’anus sur les plaies.

Et tandis que ces grands amis des bêtes se gargarisent de se trouver bien meilleurs que leurs congénères, que ne faut-il pas entendre à son sujet lorsque tous les regards se tournent vers votre animal en fort piteux état.

__Et qu’est-ce qu’il a votre lapin ?

__Oh le pauvre, mais ça fait longtemps qu’il est comme ça ? Vous ne l’avez pas emmené plus tôt ! Pauvre petit qu’est-ce qu’il doit souffrir !

__J’aimerais pas avoir ce qu’il a !

__Non  Fifi, ne va pas sentir le lapin, ne va lui faire davantage de mal.

 

Décryptage :

__Pauvre fille, mais ce n’est que maintenant que vous l’emmenez se faire soigner ?

__Vous mériteriez d’avoir un œil en berne et l’autre gros comme une truffe jaune.

__Oui Fifi, croque le bestiaux, ça ira plus vite, il souffrira moins.

Je caresse la tête de mon animal, évitant soigneusement de lui amputer l’œil restant avec mes ongles, évite de trop presser son crâne, tâchant de paraître la meilleure maîtresse du monde devant mes juges.

Puis ils retournent à leurs mamours, prodiguent caresses à tire la rigot, jouent avec l’animal du voisin et réengage la conversation dithyrambique et sempiternelle du : Oh, ils nous comprennent tellement mieux que les gens, ils sont tellement plus humains !

A moins que ce qui différencie l’homme de l’animal, c’est sa cruauté, son besoin impotent d’écraser son prochain. Pourquoi ne pas dire : ils ont dans le cœur ce que l’humain n’a pas ?

Don’t Acte.

Ces gens si courtois, polis et imbus de leurs conditions d’amis de l’animal… Qu’elle n’est pas ma surprise de voir que la majorité d’entres eux cherchent à se filouter en passant les uns devant les autres, abandonnant leurs collègues de peines au seuil de la salle d’examen sans même prendre quelques secondes pour dire au revoir. Pas un regard, pas un mot…Même le dernier des épagneuls agonisant se retourne pour voir d’où il vient et ce qu’il laisse derrière lui.

Mais le cauchemar ne fait que commencer et il se poursuit avec de passage devant le vétérinaire. Cet individu revêche, présenté sur les encarts publicitaires comme quelqu’un de souriant. Tout n’est que tromperie !

Cet homme ou femme ne fait preuve d’humanité qu’envers les animaux, jugeant maîtres et maîtresses. Il sait déterminer avec la plus horrible des précisions depuis quand l’animal souffre. Il sait vous faire tenir l’animal sur la table d’examen de la façon à ce que vous vous salissiez le plus possible. Il vous refile des tonnes de gouttes et comprimés à filer au clebs, que bien sur, vous serez incapable de mettre ou donner à manger.

Devant lui, on se défend, bafouille face à ce St Pierre armé de seringues et de compresses, clefs placés sur la machine à carte bleue.

Et cette putain bestiole qui tient jamais en place sur la table de contrôle ! J’ai beau la tenir, d’énormes touffes de poils restent collées à mes mains. Je peine à le maintenir, lui éviter de se fracasser sur le carrelage tandis que le vétérinaire entreprend quelques frottis étranges et variés. Les liquides des diverses seringues se déversent dans le sang de mon lapin comme s’il eut été un toxicomane en soirée fétichiste.

Le docteur grogne, preste, morigène. Autant de bororygme qui annoncent le jugement imminent.

__On va lui prescrire des calmants, des anti-inflammatoires et si ça ne passe pas, vous reviendrez me voir et on fixera une date pour l’opérer.

Le ton est froid, mécanique. Juste une petite caresse au lapin avec un œil humide et compatissant. Quand à moi, je suis bien vite priée d’aligner le pognon pour les gouttes du vieux.

Je ressors du mausolée de plaintes crottée, puant le chibre de caniche greffé au bas de mes pantalons, le tartre du bouvier bernois, la pisse de lapin lorsque je l’ai prit dans mes bras pour le reposer dans sa cage, bien évidemment dégueulasse. Bref : je pue, j’ai honte et en plus, je me suis faite détrousser de quelques billets. Le pied total…

Hopfen me regarde avec son œil unique du genre : qu’est-ce qui va encore m’arriver ?

__Aller pépère, on y va, on va aller soigner la crème couleur anis que t’a dans l’œil.

 

                                                                  ***


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A
Aïe ! je croyais que c'était une anecdote récente ! Désolé pour ton pauvre lapin.BisousCyril
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O
Mon pauvre petit Hopfen est malheureusement mort l'an passé. Malgré les soins, les opérations et tout mon amour, il a succombé...c'est vraiment horrible comme maladie ce truc là chez les rongeurs et autres lagomorphes! :-(
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A
C'est pas rigolo du tout ! J'espère que ton lapin va mieux !BizzzCyril
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