AT Bourreaux et Assassins

Publié le par Oxy

Pour tous ceux qui ont lus, Désir d'Orient, le texte, voici aujourd'hui la nouvelle, achevée hier. Un texte dur, violent où je me suis imposée des limites à ne pas franchir. Rester dans l'émotion malgré l'horreur, voila le pari que je m'étais fixé. Bien sûr, il reste encore des fautes mais le fond ne changera pas! Je vous livre donc un extrait de cette nouvelle...

Bourreau de Sérail

Tu ne te souviens pas.

Je t’ai traquée dans les bas-fonds de Calcutta, des années durant. Ma petite victime, ma proie, ma déesse offerte aux mains des hommes. Je t’ai trouvée le nez dans le ruisseau pollué du bidonville dans lequel tu vivais avec tes sœurs et ta mère. Ton père était souvent absent tu sais. Obligé de travailler de l’autre côté de la ville, il ne rentrait pas tous les soirs. Tu ne savais même plus qui il était. Lorsque tu as relevé la tête en m’entendant chanter, je n’ai vu que tes yeux, deux émeraudes claires sur ta peau dorée. Tu m’as adorablement souri et tu as continué à laisser l’eau trouble glisser sur tes mains, éclaboussant joyeusement la petite fille qui t’accompagnait. J’ai su que tu serai parmi nous quelques jours plus tard.Je suis rentrée au palais dans lequel tu te trouves séquestrée aujourd’hui, ma magnifique perle.

Que je t’aime…

Comme je te haïs !

J’ai parlé de toi à mes chefs, je t’ai décris plus parfaitement encore que Cali.

Oh ma sublime déesse, pataugeant dans les égouts, salissant tes chairs tendres d’enfant comme pour en souligner l’érotisme de ton corps de femme à en devenir. Corps que tu allais leur donner, sans résister, en parfaite soubrette que tu serai.

A l’époque, tu n’avais que six ans et j’ai vu au creux de tes yeux les envies que ta misérable existence te privait.

Tu as cru que j’étais une nouvelle mère pour toi mais je ne suis que ton bourreau aux yeux noirs. Je n’ai pas de masque, pas de hache mais tu sais ô combien mes coups peuvent te blesser, jusqu’à ruiner ton âme.

Ton prénom ? Tu me l’as souvent demandé. Tu en avais bien un. Je ne m’en rappelle plus. Ou du moins, je ne veux pas m’en souvenir. Je ne veux pas te le dire ma toute belle.

Je te déteste si délicieusement.

Je veux que tu souffres sans trop savoir pourquoi. Peut-être ta beauté ? Ta jeunesse que j’envie, ravivant si douloureusement la mienne passée entre les mains de fer d’une femme comme moi.

Finalement, c’est peut-être ça être un bourreau : ne pas savoir pourquoi on fait le mal.

Ils sont venus te chercher en ma compagnie. Je n’étais là que pour rassurer ta mère et te faire des sourires.

Tu venais juste de finir de manger ta galette rassise et ta mère essayait vainement d’habiller ta petite sœur. Elle était tellement dépassée…

Lorsqu’elle nous a vu entrer dans le taudis te tenant lieu de palais, elle a su. Tu étais la plus belle des petites filles de ce cloaque sordide.

__ Nous venons la prendre. Nous vous en donnons un bon prix. A dit mon supérieur en te désignant du menton.

Caché derrière ses lunettes noires et son costard cravate strict, il impressionna ta maman et fit pleurer ta sœur. Elle signa maladroitement un papier, deux larmes dévalant ses joues rondes et potelées puis je te pris par la main.

Tu ne comprenais pas ce qui se passait. Ta mère nous implorait de faire de toi une princesse, de t’autoriser à revenir la voir souvent, de te laisser son souvenir dans ton esprit enfantin.

Tu as pleuré, tu es tombé dans la poussière du bouge infâme, mordant la poussière, t’arrachant les ongles en les plantant au sol. Tu te faisais panthère, indomptable face au chagrin.

L’hymen se déchirait une première fois en une violence extraordinaire mais rien ne pouvait émouvoir les deux hommes qui t’avaient acheté. L’un d’eux te gifla, tu t’abattis, ton petit corps se convulsant sous les pleurs et la colère.

Ta mère a bien laissé parler ses instincts primaires en agressant sauvagement l’auteur de l’acte ayant t’ayant fait vaciller mais il lui a adressé la même frappe et elle est tombée, cognant sa tête au recoin de la table. Nous sommes partis sans regarder si elle respirait encore…

Juste à côté de la chambre dans laquelle je me tiens pour écrire ce journal, j’entends les servantes qui te préparent, maquillent tes yeux de biches et te parent comme une princesse des milles et une nuit.

Jusqu’à neuf ans, je t’ai appris la discipline, à craindre mes coups de fouets, à obéir aux hommes, à t’agenouiller devant eux et déambuler avec grâce les jours d’agapes, seulement vêtus d’un cache-sexe, ta poitrine plate servant de serviette aux goujats te tenant lieux de maîtres. Puis c’est le sang de ton enfance qui s’en est allé, ruisseau rubicond dévalant la falaise aride de tes cuisses.

Les portes en bois coulissent, tu es attendue parmi les hommes.

Prépare-toi à recevoir les liqueurs exquises des grands de ce monde. Te rappelles-tu lorsque tu courrais dans les rues, riant, rappelée à l’ordre par de minces baguettes tressées d’osiers et de roseaux. Les toits étaient ton domaine lorsque tu voulais t’échapper à la face du monde, où tu t’éprenais à rêver de l’Occident. Les chaleurs des fours et du soleil, chargées de vapeurs diverses t’enivraient. Te transcendaient. On m’appelle. Je te rejoins mon amour, je suis prête et toute à toi.

Un coup.

Deux coups.

Tu ne gémiras pas, tu hurleras seulement ton plaisir pour ne pas bouder celui de tes maîtres. Comme j’aime voir tes fesses couleur Sienne maculées de taches ! Elles rosissent honteusement à chaque lambeau retourné. Elles luisent, perlent. Deux lunes fines qui pleurent, dégoulinent. Ils m’ordonnent de t’emmener à leurs pieds pour qu’ils puissent contempler les sévices que j’ai pu te porter tandis qu’ils discutaient dans leurs coussins gonflés de plumes d’oie. Je te retourne et t’offre ouverte aux regards ribauds de tes inquisiteurs.

Tu sens quelque chose entre ses jambes qui va et vient, qui te perfore, toujours plus, plus vite, plus mal. Je maintiens ta tête pour que tu vois qui t’honores de ses sens en suant grassement mais je sais bien que tu es ailleurs. Tu vois les perles sur le sol, lapis-lazuli du Moyen-Orient, topazes éclatés, or et argent s’embrassant, carat de bon karma qui ne luisent plus, elles aussi trop souillées. Tes yeux reflètent tes désirs. Je revois la petite fille qui rêvait d’atours de princesse et qui souhaite aujourd’hui courir simplement dans les rues de son bidonville, libre. Tu aurais pu être seulement richement vêtue dans ton sari piqué de dorures et de soie précieuse provenant des marchés de Calcutta. Il broie tes seins, chairs légèrement enflées, tétons pincés, déformés, arrachés. Comme tu dois avoir mal mon amour. Il hurla mais tu ne l’entends plus. Tu remonte le Gange, volant dans ses eaux, jonglant de ses alluvions, vénérant les morts emportés lors de la dernière mousson. Le soleil s’invite dans les nappes vertes du grand fleuve et tu es doucement aveuglée. Ton corps nu glisse dans les eaux avec autant de grâce et tu jouis de la caresse de l’onde sur ta peau.

Je me relève et te frappe avec mon pied. Miroir éclaté, larmes infectes, cœur qui bat -sans le vouloir-. Il te redresse brutalement en te tirant par les poignées. Tu as le goût du sang sur tes lèvres, celui du stupre dans la bouche. Oeil de biche, alanguie, courbée sous les caprices de ton maître, tu rêves liberté. A présent, il te frappe, et tu t’écroules au sol. L'âpreté du sang est remplacée par celle de la poussière qui glisse lentement, pernicieusement dans tes narines, dans tes poumons, dans ton corps tout entier. Tu sens les coups qui s’abattent sourdement, tu n’y vois rien. Tes cheveux sont collés au visage par le sperme et les larmes que tu verses ne permettent en rien de te libérer de ton carcan de cire poisseuse. Tes lèvres écument une bave rougeâtre qui s’agglomère au reste. Tes yeux se révulsent, tu te crispes, tes ongles raclent la terre. Se soulèvent. Tes chairs délicates dégorgent les exhalaisons lubriques de l’homme.

Partir...Fuir...Mourir... Je sais tellement ce que tu ressens.

Tu entends encore les cris de Krishna, ton amie, lorsque vous courriez le long de la rivière, lorsque vous alliez visiter vos mères lavant les tuniques sales dans un des coins de la ville. On vous avait bien envoyé travailler à l’usine d’armement juste à côté du bidonville mais vous n’étiez pas assez résistantes, pas assez productives. Alors, vous jouiez... Je suis sure que tu te rappelle du souffle du vent, de la chaleur enveloppant ton âme. Tu revois les oreilles percées pour mieux être ornées, les bindis, les tatouages, les visages de ces reines de jour. Et ces odeurs! Cumin, Jasmin, Paprika ! Sang...Foutre...Il te prête à l’un de ses amis. Ils sont deux pour toi ma tendre raclure, mon sublime réceptacle à jouissance. Il te baise par-devant et écume les recoins de ta bouche. Ton âme hurle ! Je l’entends faire bouillonner tes entrailles tandis que ton corps se laisse prendre sauvagement sans qu’il n’oppose aucune résistance. Tu as mal ma petite chérie. Je le sais. Je suis passée par la moi aussi.

Tu sais, j’avais un bourreau. Je n’arrivais pas à la haïr, je n’avais qu’elle.

Lorsqu’elle est morte, j’ai pris ses instruments et j’ai dressé avec cette même haine, ce même amour, les petites traînées dans ton genre. Je sais à quoi tu penses, je l’ai rêvé comme toi.

Torrent de larmes, torrent de foudre. Ton cœur gronde, bat la chamade, désir d’Orient. Tu as dans le nez l’effluve de ces chairs et loin derrière, celui des jardins aux milles senteurs. Quand tu fermes les yeux, je sais que tu t’imagines vaporeuse, flottant au-dessus des nappes de fleurs ; les orchidées te sourient et te voilent dans leurs saris blancs. Immatérielle et irrémédiablement vivante.

Tu souris, rit, laisse éclater ta joie dans le tumulte de tes sens repus de félicité. Tu t’enivres, te saoule des senteurs. Les cassolettes des palais infusent tout ce que l’Orient a de mieux et aux effluves de l’opium se mêle le chanvre et les rites sacrés qui en émanent. Tu tournoie dans tes robes faites de feu et de lumière, clinquantes et magiques. Camaïeux des couleurs, délices d’ambre, onctueuse et safrané, ta peau se fond aux étoles. Il redouble de violence, t’insultes et je maintiens ta tête fermement au sol, enfonçant mes ongles dans ta peau divine. Le sang éclos des blessures que je t’inflige. Il éjacule. Te le sens vouloir perforer ton ventre et tu te cambres pour l’empêcher de te faire encore plus mal.

Je connais tellement ça.

Tu les as vues ces marques sur mes seins, sur mon sexe lorsqu’on t’a obligé à me faire l’amour. Je revois encore la frayeur sur ton visage en découvrant les ignobles chairs putrides luisant faiblement sous la bougie.

Je ne me plains plus mais je te plains.

Tu n’as que quatorze ans et tu vas servir encore longtemps.

Rejetée au sol, abandonnée sous les dépravations lubriques et les exhortations moqueuses. Soumise à jamais, prisonnière d’un palais de l’inquisition. Le sang coule de ton nez -ta bouche, fracassée -ton ventre, déchiré- ton intimité, labourée. Les hommes s’éloignent dans les couloirs d’ombres et les enfeus, et leurs rires tanguent en te blessant encore davantage.

Je te relève brutalement comme l’incombe ma tâche. Je croise ton regard suppliant. Tu empestes comme une souillon dans son ruisseau. Je vais devoir te faire la toilette, t’insulter et te traiter de petite pute en t’aspergeant d’eau.

__Tiens ! Prends ton cachet ! Te dis-je. Tu n’auras pas mal.

Mais tu sais très bien que tu continueras à souffrir jusqu’à ce que je meure. Seulement, tu oublieras qui tu es, persuadée de ne jamais avoir eu de vie avant ce que tu connais aujourd’hui dans ce palais.

                                                       ***

 

 

 

 

 

                                                                       

Publié dans Nouvelles de la Folie

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L
Par lestat, le 22 juillet sur la toile."d’agapes, je viens de lire ce mot mais heu...Ca veut dire quoi??? C'est intéressant d'avoir les deux points de vue, la fille et le borreau. Ca va surement te choquer mais le premier me fait penser à Hannibal Lecter, parce qu'il est...c'est un criminel mais différent des autres, on ne peut s'empêcher de le regarder, il n'est pas tupide comme les autres il sait ce qu'il fait. Et puis ce mélange de je t'aime/ je te hais, c'est intéressant aussi parce qu'on ne sait pas ce qu'il ressent exactement. Ca me fait penser au commandant dans la liste de schindler, celui avait une juive comme serva,te et qui était partagé entre l'amour et la haine mais la maltraitait quand meme.En tout cas c'est intéressant tes histoires, on voyage mais quel voyage!! C'est aussi unne sale réalité de ce qui sa passe dans cs pays-là (inde, indonésie..) où les petites filles sont violées dès leur plus jeunes age ou bien on les tue à leur naissance parce que ce sont des filles, les femmesd sont toujours des objets dans ce pays ça me révolte!!!!!!!!!!"
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A
J'ai lu le début, ça donne envie de découvrir la suite !Elle fait combien de signes ? Si elle n'est pas trop longue, je peux te faire une béta !^_^
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O
Voici le premier par Dante qui a eu la tâche de lire le premier...Merci encore mon ptit banquier adoré!<br /> "En ce qui concerne le Bourreau de Serail, je le trouve vraiment excellent. Personnellement, j’adore ces textes où les pensées et les émotions du personnage principal prennent une place centrale. Autant te dire que j’ai vraiment aimé cette schizophrénie habitant Janani, entre la femme qui a elle-même vécu ces tortures, et le bourreau sans cœur ni âme. Je trouve en plus que tu n’insistes pas trop sur les scènes de viols ou de maltraitances en elles même, pour insister sur les émotions, et ça, j’aime beaucoup ! La chute de l’histoire est elle aussi très bonne (même si on se doute bien que cela va se finir comme ça) et les dernières phrases (après le dialogue avec la fillette) sont à la fois dures et poétiques ! (oui je sais, j’ai une notion bizarre de la poésie !) "
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O
Deuxième avis par LestatXIII recueillit sur la Toile Gothique!<br /> "Je viens de prendre une sacré claque ! c'est dur très très dur et malheureusement réel et comme tu l'as dit les bourreaux ne sont pas spécialement des gens encagoulés avec une hache ceux la sont tendres à côté de ceux de ton récit et ceux là ils sont abject.Ca me fait penser aux sorts qui sont réservés aux filles de là bas, les gens la bas font tout pour que ca soit des garçons et non des filles qui naissent (une histoire de dot) et quand c'est une fille qui nait soit ils la tuent soit ils l'abandonne ou la livre à des êtres abjects.Ton récit est horrifiant mais bien écrit comme d'habitude et ne laisse pas indifférent il mériterait d'être utilisé pour faire prendre conscience aux gens de ce qui se passe dans ce monde dépravé."
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